Portrait de famille
Attribué à Pieter van Mierevelt, entre 1617 et 1619, huile sur toile.
Il s’agit d’un tableau de grandes dimensions qui représente douze personnages.
Le centre de la composition est occupé par la représentation d’un peintre assis face à son chevalet. Un personnage plus âgé est figuré debout derrière l’artiste, la main droite sur son épaule, la gauche indiquant le tableau en cours de réalisation.
Histoire :
Il s’agit du portrait de la famille de Michiel van Mierevelt (1567-1641), peintre hollandais, célèbre portraitiste dont l’atelier est situé à Delft. Grâce à la restauration de l’œuvre réalisée par l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA), nous savons aujourd’hui que quatre des personnages n’étaient pas présents sur le tableau original mais ont été ajoutés tardivement.
Le personnage central est Pieter van Mierevelt qui travaille à la réalisation du portrait de sa sœur Ariaentgen. Derrière lui se trouve Michiel van Mierevelt, le célèbre peintre, son père. En retrait d’Ariaentgen, se tiennent debout sa mère Stijntge van der Pes et sa sœur Maritgen Cleophas. La petite fille au visage caché par le chevalet est probablement Maritgen, la fille aînée, décédée en 1595 à l’âge de 4 ans. La tête d’homme ébauchée à l’arrière-plan est vraisemblablement celle de Willem Delff qui épouse, en 1618, Geerten, la fille de van Miervelt. Derrière le père, se trouve Jan, le plus jeune des fils. Ensuite, se distingue une figure ajoutée, probablement Aechgen, décédée en 1608 et, visible à l’extrême gauche du tableau, le portrait de Commertge. Enfin, assise à l’avant plan, Geerten van Mierevelt qui porte sur ses genoux Jacob Delff, le petit-fils, né en 1619.
Un inventaire des biens de Michiel van Mierevelt est réalisé peu après son décès en 1641. Celui-ci mentionne une série de tableaux dont « Een groote schilderij van’t geheele huijsgesin van de overledene gedaen bij Pieter van Mierevelt niet voltrocken » . L’œuvre décrite est restée introuvable pendant trois siècles et demi et ce, jusqu’à ce qu’un tableau hollandais de grandes dimensions, appartenant aux collections du château de Jehay, propriété de la Province de Liège, entre à l’IRPA pour restauration en 2004. Les recherches entamées par Pierre-Yves Kairis, alors historien de l’art à l’Institut royal du Patrimoine artistique, ont permis d’aboutir à l’identification de l’œuvre mentionnée dans l’inventaire de la famille van Mierevelt daté de 1641. Le Portrait de famille est, semble-t-il, légué à la fille du peintre, Commertge, puis transmis aux générations suivantes. Il est finalement vendu, peut-être dans le courant du XVIIIe siècle, et se retrouve, probablement après quelques tribulations, suspendu dans la grande galerie du château irlandais de Kilkenny. Rudi Ekkart a émis l’hypothèse que le tableau est acheté par John Butler, 2ème marquis d’Ormonde, grand collectionneur et amateur d’art.
Interprétation :
Il existe très peu d’exemples de peintures hollandaises du XVIIe siècle où le peintre s’est représenté lui-même au travail entouré de sa famille.
Ce choix iconographique nous propulse dans la scène qui prend vie sous nos yeux et prend le temps de se déployer. On y « sent » le temps passer : les gestes et significations attachées à ceux-ci placent le portrait dans une perspective temporelle longue. Il s’agit de démontrer par l’image que la puissance du lien familial est prête à traverser le temps, à dépasser même la perspective des simples individus. C’est bien pour cela que défunts et morts cohabitent dans la même image, ramenant ainsi dans un seul moment des destinées sinon définitivement séparées. La mort elle-même ne peut rien contre la famille.
Le détail le plus important de l’œuvre de van Mierevelt est évidemment cette main du père déposée sur l’épaule du fils. Ce geste exprime la confiance dans les capacités du plus jeune à perpétuer l’œuvre du paternel. Il désigne en quelques coups de pinceau toute l’importance de l’héritage et de la fidélité entre les générations successives de la famille. Ce contact n’indique pas seulement la perpétuation du savoir-faire professionnel, mais aussi la confiance dans la force des liens d’affection.
L’œuvre évoque le thème universel de la relation entre un père et son fils. L’attitude de Michiel répond positivement à cette grande interrogation humaine : les fils sont-ils toujours condamnés à marcher sur les traces de leurs pères ? Il est poignant de savoir que dans un retournement de situation ironique, le père a survécu au fils, fauché dans la fleur de l’âge. L’héritage n’a eu lieu que de manière brève. Notre connaissance du destin de Pieter confère dès lors au portrait la signification d’une vanité : Ars longa, vita brevis (« L’art est long, la vie est brève » selon la formule du grec Hippocrate).
Restauration :
Le Portrait de famille est restauré par l’Institut royal du Patrimoine artistique entre 2004 et 2007. L’étude pluridisciplinaire menée autour de l’œuvre a permis, non seulement de la replacer dans un contexte historique et d’en déterminer la provenance, mais aussi d’identifier son histoire matérielle. A son arrivée à l’IRPA, la toile est en mauvais état, de grandes zones de chanci rendent la composition quasiment illisible. La radiographie de l’œuvre permet de comprendre son évolution technique et d’isoler trois campagnes de restaurations antérieures à 2004. La deuxième campagne de restauration s’est probablement déroulée après la découpe de la toile. Celle-ci, exécutée rapidement et sans soin, peut s’expliquer peut-être pour sauver rapidement l’œuvre d’un incendie, peut-être pour la voler. Il est également admis que la toile a été pliée en deux et peut-être roulée durant un temps indéterminé. La famille a tenté de vendre le tableau en 1926 et l’a, semble-t-il, envoyé à Londres. Il est possible que l’œuvre ait été détachée du châssis et roulée pour effectuer ce voyage.
Le tableau présente des différences de qualité selon les zones et apparaît inachevé. L’étude tend à prouver que Le Portrait de famille est l’œuvre de plusieurs mains ; réalisée en grande partie par Pieter van Mierevelt avec l’apport de son père pour certaines zones.





